Watergate
En juin 1972, les journalistes Robert Woodward et Carl Bernstein, du quotidien Washington Post, révèlent à l'opinion une effarante affaire d'espionnage politique qui va rapidement devenir le scandale du Watergate. Vice-président
républicain du temps d' Eisenhower, Richard
Nixon, battu par Kennedy en 1960, est élu
président des États-Unis en 1968,
et réélu en 1972. Il est alors accusé
d'avoir menti au sujet de micros posés
au siège du parti démocrate, dans
l'immeuble du Watergate. Objet d'une procédure
d'impeachment, il est contraint à démissionner,
malgré ses succès en politique étrangère.
|
Richard Milhous Nixon est né en Californie en 1913. Sa carrière politique a brillamment débuté. Dès son retour de la guerre du Pacifique, ce juriste est élu au Congrès, puis devient sénateur en 1950. Anticommuniste
virulent, il est réputé pour être
un politicien peu scrupuleux. Il est inquiété
dès les années 1950 sur ses sources
de financement. Républicain, il représente la tendance la plus conservatrice de son parti. Il est vice-président des États-Unis sous Eisenhower (1953-1961). Battu aux élections présidentielles de 1960 par John Kennedy, il est élu en 1968 et réélu en 1972. Malgré son anticommunisme, il entretient des relations satisfaisantes avec l’U.R.S.S, reconnaît la Chine populaire et se rend à Pékin en 1972. Election de Richard Nixon en 1969 © AP/Sipa Ce voyage a bouleversé la fin du 20e siècle. Cette rencontre avec Mao Zedong a ouvert la voie à la reprise de relations entre deux pays qui s’étaient ignorés depuis plus de 20 ans. Secondé par H. Kissinger, il obtient des succès diplomatiques importants. Il met fin à la guerre du Viêt Nam (accords de Paris, 1973) et obtient l’engagement de négociations entre Israël et l’Égypte après la guerre du Kippour (1973). Malgré une fin peu glorieuse, Richard Nixon reste l’un des meilleurs présidents des Etats-Unis.
A Washington, peu après 1h30 du matin, le 17 juin 1972, un gardien qui fait une ronde de routine dans l'immeuble nommé Watergate, un vaste complexe de bureaux et d'hôtels, découvre, dans une cage d'escalier, une porte dont la serrure est maintenue ouverte par du ruban adhésif. Il ne se doute pas qu'il vient de déclencher le plus grand scandale politique de l'histoire américaine. Il prévient la police; cinq rôdeurs
se trouvaient au siège du Comité
national démocrate, qui a loué temporairement
des locaux dans l'immeuble pour la campagne de
son candidat à l'élection présidentielle
de 1972, George McGovern. Bob Woodward et Carl Bernstein © Corbis L'obstination de deux jeunes reporters du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, va mettre en lumière un écheveau de malhonnêteté et aboutir à la démission du président Nixon, le 9 août 1974. Le scandale du Watergate, en révélant les comportements du pouvoir à Washington, ébranlera la confiance des Américains dans leur gouvernement et entraînera la mise en accusation de plus de trente collaborateurs de la Maison-Blanche. Cependant, certains éléments du dossier demeurent encore mystérieux aujourd'hui.
Très vite, l'enquête, menée tant par les policiers que par les journalistes d'investigation, révèle des complicités dans l'affaire du Watergate, qui remontent jusqu'aux personnalités les plus proches de Nixon, et jusqu'à Nixon lui-même. Ce dernier serait coupable non seulement d'avoir ordonné l'espionnage du parti adverse, mais aussi d'avoir inspiré le cambriolage du cabinet d'un psychiatre qui était en possession de documents compromettants pour lui, et, enfin, d'avoir détourné pour son propre usage des fonds destinés à sa campagne. Immeuble du Watergate. By Enlewof. (CC BY-NC-ND 3.0) Plusieurs instances judiciaires mènent l'offensive contre le président. Une commission du Sénat enquête sur la campagne électorale de 1972. La commission judiciaire de la Chambre des représentants réunit des éléments qui permettraient de proposer la destitution du président. La Cour suprême fédérale le presse de livrer des pièces à conviction en dénonçant ce que Nixon appelle « le privilège de l'exécutif ». Enfin, un procureur spécial mène une instruction sur les agissements de ses proches. Le 8 janvier 1973 s'ouvre, devant le tribunal fédéral de Washington, le premier procès concernant l'affaire : ne comparaissent alors que des exécutants, notamment les dénommés Liddy et Mac Cord. Ils sont évidemment condamnés, mais le verdict ne peut suffire à arrêter le scandale.
Bernstein et Woodward, avec l'aide d'un informateur secret appelé Deep Throat (Gorge profonde) et d'autres « complices » sont progressivement à même de faire figurer les noms de Donald Segretti, E. Howard Hunt, G. Gordon Liddy et de beaucoup d'autres dans un vaste réseau qui tente sans scrupule de faire trébucher tout opposant au gouvernement Nixon. R. Nixon lors de son voyage en Chine © Xinhua-Chine Nouvelle/Gamma Les deux reporters parviennent à faire le lien entre John Mitchell - ancien avocat de Nixon puis attorney général (c'est-à-dire ministre de la justice) avant de diriger le Comité pour la réélection du président - et un coffre-fort où sont conservés les dons en liquide faits au candidat Nixon. Ils découvrent que Mitchell a autorisé l'emploi de 250 000 dollars pour financer le cambriolage du Watergate, et que E. Howard Hunt a organisé un groupe (surnommé par la presse « les plombiers de la Maison-Blanche ») chargé de fabriquer des lettres destinées à ruiner la réputation de certains candidats démocrates.
Cette
procédure complexe vise théoriquement
à poursuivre en justice tout fonctionnaire
suspect de s'être rendu coupable de crimes
ou de délits, du petit administrateur au
président des États-Unis. Elle traduit
la responsabilité pénale de toutes
les autorités.
Au début du mois de mars 1974 commence la deuxième phase judiciaire du Watergate. Des hommes de première importance, et non plus des lampistes, comparaissent devant le Grand Jury, un tribunal préliminaire chargé d'établir les chefs d'inculpation : ils ont pour noms John D. Ehrlichman, H. R. Haldeman, Gordon Strachan et Charles W. Colson; Robert C. Mardian et Kenneth W. Parkinson - ces deux derniers ayant dirigé le comité chargé de la récente campagne électorale grâce à laquelle Richard Nixon a été triomphalement réélu; ou encore John N. Mitchell, qui ne fut rien de moins que... ministre de la justice. Toutes ces personnes sont accusées d'avoir entravé la justice en tentant d'étouffer l'affaire du Watergate et, certaines d'entre elles, d'avoir été impliquées dans le cambriolage du cabinet du psychanalyste. President Nixon meeting with Attorney-General Eliott Richardson and FBI Director-designate Clarence M. Kelly, 07/07/1973. ARC Identifier: 194514 . Licence Après cette deuxième phase consistant à inculper les personnes, commence la troisième étape judiciaire du Watergate : les procès des inculpés. Le premier de ces procès est celui de John Ehrlichman, condamné en juillet 1974 pour association de malfaiteurs et parjure dans l'affaire du cambriolage du psychanalyste. Parallèlement, le président Nixon est sommé par la Commission judiciaire, 1e 11 avril, de remettre des enregistrements considérés comme des pièces à conviction essentielles, et la même requête lui est présentée de la part des sénateurs. Or, il s'y refuse; en conséquence, une procédure d'urgence est engagée auprès de la Cour suprême.
Préférant partir avant d'être déchu par décision judiciaire, le président démissionne le 8 août 1974. Le mois suivant, le nouveau président, Gerald Ford, met un terme aux poursuites engagées contre son prédécesseur en prononçant sa grâce, précisant qu'il souhaite mettre un point final à une affaire qui n'a que trop agité le pays et que la démission de Nixon est, pour cet homme d'État, une punition déjà suffisante La décision de Ford ne clôt cependant pas l'affaire en ce qui concerne les collaborateurs du président qui seront condamnés à des peines de prison. Ecoutez le discours de démission Discours de démission du 8 août 1974 « From the discussions I have had with Congressional and other leaders, I have concluded that because of the Watergate matter, I might not have the support of the Congress that I would consider necessary to back the very difficult decisions and carry out the duties of this office in the way that the interests of the nation would require. I have never been a quitter. To leave office before my term is completed is abhorrent to every instinct in my body. But as President, I must put the interests of America first. » Traduction
:
Le premier mystère concernant l'identité de Gorge profonde, principale source d'information pour Bob Woodward durant toute son enquête, a été résolu en 2005. Surnommé ainsi par le rédacteur en chef du Washington Post, en référence à un film pornographique du moment, Gorge profonde occupait un poste important « dans un organisme du pouvoir exécutif et avait accès à des informations aussi bien au Comité pour la réélection du président qu'à la Maison-Blanche », comme l'écrit Woodward dans les Hommes du Président. « C'était un intarissable bavard, soucieux de dénoncer les rumeurs, qui en même temps le fascinaient [...] Woodward accepta de ne jamais le citer, même comme source anonyme. Gorge profonde se contentait de confirmer les informations glanées ailleurs et de faire comprendre à Bernstein et à Woodward s'ils s'orientaient ou non dans la bonne direction. Départ du Président de la Maison Blanche en 1974. Licence Lorsque l'atmosphère autour du Watergate fut devenue plus lourde, Woodward convint d'un code avec son informateur: si celui-ci voyait un petit pot de fleurs avec un drapeau rouge sur le balcon de Woodward, ils devaient se retrouver, à deux heures du matin, dans un parking. S'il voulait rencontrer Woodward, il entourait d'un cercle le numéro de la page 20 du New York Times et dessinait des aiguilles indiquant l'heure du rendez-vous. Parmi
les journalistes et observateurs qui se sont interrogés
sur l'identité de Gorge profonde, beaucoup
ont remarqué que l'enquête du Washington
Post présentait d'étranges et nombreuses
similitudes avec celle du FBI. Finalement,
la véritable identité de Gorge profonde
a été révélée
par le magazine Vanity Fair du 31 mai 2005. C'était
W. Mark Felt, l'ancien directeur adjoint du FBI
sous Richard Nixon.
Le second mystère du Watergate est l'étrange « blanc » de dix-huit minutes qui figure sur l'un des enregistrements effectués dans le bureau de Richard Nixon à la Maison-Blanche. Il a été découvert par le procureur Archibald Cox durant son enquête. En effet, toutes les conversations du président étaient enregistrées. Or un long bourdonnement sur deux tons rend opportunément inaudible une conversation concernant le scandale du Watergate entre Nixon et son chef de cabinet, H. R. Haldeman. La secrétaire personnelle de Nixon, Rose Mary Woods, a admis qu'elle aurait pu causer une interruption de quatre ou cinq minutes en appuyant accidentellement sur un mauvais bouton lors d'un appel téléphonique, mais elle a soutenu ne pas avoir pu effacer une aussi longue partie de l'enregistrement. Alors
qu'elle vérifiait les bandes, à
Camp David, Nixon était entré brièvement
dans la pièce et, sous prétexte
d'en écouter quelques extraits, il avait
manipulé à plusieurs reprises les
boutons de défilement « avant »
et « arrière ». On s'est donc
demandé si le président n'avait
pas créé lui-même ce blanc
de dix-huit minutes. V.B (2.10.2006) Références Le Watergate, Kaspi André. Editions complexe 1983 < Histoire |