Histoire et méfaits du Tabac
Entre répression antitabac et enjeux financiers
Originaire d’Australie, le tabac a été propagé en Amérique et introduit en Europe, puis en Asie à partir du XVIe siècle.
Très rapidement, l’Occident s’est épris de cette nouvelle drogue qui, à l’époque, était considérée comme curative.
Insoupçonnés lors de la découverte de la plante Nicotiana tabaccum, les effets nocifs du tabac sur l’organisme des fumeurs sont désormais bien connus.
Le tabac favorise les cancers des voies respiratoires, mais aussi urinaires.
Ce n’est que dans la deuxième moitié du XXe siècle que les premières mesures contre la consommation de tabac ont été prises.
La France est l’un des derniers pays à avoir promulgué une législation. Mais, cette législation est-elle efficace ? La répression des pays occidentaux est-elle possible et si oui, sous quelle forme ?
La feuille de tabac et sa transformation
Le tabac est une plante annuelle herbacée (Nicotiana tabaccum) atteignant de 1,50 à 2 m de haut. Ses feuilles entières peuvent mesurer 80 cm de long sur 40 de large. La graine, très petite, ne peut être semée directement.
Le semis est effectué sous châssis vers la fin mars. Les plants sont repiqués 2 mois plus tard en pleine terre. La cueillette intervient environ 3 mois plus tard. Le tabac récolté en France, pour fournir le tabac brun, est aussitôt disposé dans un séchoir spécial, où les feuilles doivent perdre lentement leur eau. Les feuilles séchées sont triées, classées par dimension et qualité, mises en paquets appelés « manoques », puis réunies en balles livrées à l’usine.
Les feuilles de tabac sont soumises au battage, qui sépare les nervures des morceaux de parenchymes (strips). Les tabacs sont réchauffés et assouplis par de la vapeur, puis mélangés et mouillés avant d’être hachés.
Après hachage, le tabac blond est séché, puis saucé, ce qui le rend plus doux. Le tabac brun est torréfié et acquiert ainsi son goût définitif. La confection des cigarettes est effectuée par des machines atteignant une cadence de 7 000 cigarettes par minute.
L’introduction du tabac en Occident
En 1560, Jean Nicot, l’ambassadeur de France à Lisbonne, découvre dans les jardins royaux une herbe importée d’Amérique.
Il en célèbre les vertus curatives, déjà exploitées par les Indiens, et il envoie la plante à la régente Catherine de Médicis pour l’aider à soulager ses migraines.
L’engouement de la reine pour ce nouveau médicament accrédite l’idée que la plante possède toutes les vertus.
Un des guides pratiques les plus lus à l’époque, Agriculture et maison rustique, du médecin Jean Liebault, en loue les propriétés « quasi-divines ».
Les indigènes des Antilles (gravure de la fin du XVIe siècle). C'est l'une des premières représentations, totalement fantaisiste, qui montre l'usage que les Indiens faisaient du tabac
Au XVIe siècle, le tabac est inclus dans de nombreuses pharmacopées : administré en décoction pour « épuiser, déterger et déraciner l’ordure », en cataplasme, ou en lavement pour « désopiler la rate ».
Le tabac est même considéré comme un excellent remède pour soigner les affections respiratoires, de la bronchite à l’asthme !
Les premières critiques contre le tabac
À partir du XVIIe siècle, la communauté scientifique commence à être moins enthousiaste. En 1648, le médecin allemand Magnen établit un rapport entre l’abus de la consommation de tabac et le mauvais état des poumons de certains cadavres autopsiés.
L’attaque la plus violente est portée par Fagon, médecin de Louis XIV, qui soutient sa thèse en 1699 sur ce sujet polémique : l’abus du tabac abrège-t-il la vie ?
La polémique est d’autant plus vive que la consommation de tabac s’est très vite généralisée à travers toute l’Europe.
Le Fumeur, par Joos Van Craesbeek (Paris, Musée du Louvre)
Les premiers fumeurs sont les marins et les soldats qui chiquent longuement les feuilles de tabac.
Peu à peu, les modes de consommation varient en fonction des catégories sociales : on prise ou on fume à l’aide de petites pipes en terre.
Économie mondiale du tabac
La production mondiale de tabac avoisine 8 Mt. La Chine est, de loin, le premier producteur (2,5 Mt) devant l’Inde (700 000 t), le Brésil (600 000 t), les États-Unis (485 000 t) et la Turquie (260 000 t). La production française avoisine 25 000 t.
C’est au début du XXe s. qu’eut lieu l’expansion de la cigarette. Actuellement la production mondiale est voisine de 5 608 milliards d’unités. Quelques grandes entreprises se partagent le marché.
La production de cigarettes, dont la croissance a été de 50 % en 20 ans, est estimée à 5 500 milliards d’unités. La France se situe autour de la quinzième place des producteurs mondiaux.
Entre répression et enjeux économiques
Au début du XVIIe siècle, le pape Urbain VIII interdit l’usage du tabac dans les églises. Le culte est troublé par les fumées des nombreuses pipes.
Les premières tentatives d’interdiction arrivent dès 1631. Le parlement de Paris interdit l’usage du tabac dans les prisons pour préserver la santé des prisonniers non-fumeurs !
À Moscou, le tsar Michel Fedorovitch menace les fumeurs de 60 coups sur la plante des pieds.
Un marchand de tabac (détail d'une miniature du début du XVIIIe siècle, Venise, Musée Correr)
Dans plusieurs pays, dont principalement la France, le gouvernement décide de tirer profit de cette nouvelle mode.
Dès le XVIIe siècle, le tabac devient une manne fiscale appréciée.
Au XIXe siècle, les médecins luttent surtout contre l’alcool et l’usage du tabac se banalise. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que la lutte contre le tabac reprend. Mais, les intérêts des gouvernements, la résistance des consommateurs et des publicitaires freinent à nouveau toute législation efficace.
La politique antitabac au XXe siècle
La consommation de tabac a nettement augmenté au XXe siècle. De plus, la consommation s’est étendue aux femmes et aux adolescents.
Bien que les méfaits soient largement connus, les gouvernements tardent encore à réagir. Les intérêts financiers en jeu sont considérables et l’image positive du fumeur est largement entretenue par la publicité.
Aux États-Unis, les premières mesures d’interdiction de fumer dans les lieux publics sont prises dans les années 1970.
Le 31 juillet 2005, l’interdiction de la publicité pour le tabac dans la presse écrite, la radio et sur Internet est entrée en vigueur dans toute l’Union européenne.
Les publicités ont pendant longtemps donné une image positive du fumeur
De nombreux pays, dont l’Espagne, la Belgique ou les Pays-Bas, ont récemment voté des lois interdisant de fumer dans les lieux publics.
En France, la loi Evin de janvier 1991 interdit la cigarette dans les hôpitaux, les gares et les aéroports. Elle oblige aussi les établissements à disposer de zones non-fumeurs. Cette loi n’est cependant pas très bien appliquée pour ne pas dire, dans certains cas, pas du tout.
Plus récemment, la démagogie a atteint son comble avec une augmentation du prix du paquet de cigarettes.
À qui profite l’augmentation du prix du paquet de cigarettes ? Au gouvernement qui surtaxe chaque paquet.
Cette mesure est-elle efficace ? Absolument pas, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le prix du paquet n’est pas homogène dans les différents pays européens. Alors qu’un paquet coûte en moyenne 5 euros en France, en Espagne, il ne dépasse pas 2 euros.
La moyenne européenne se situe en fait à moins de 3 euros le paquet.
D’autre part, cette augmentation du prix ne fait que favoriser le marché noir. Si on affiche dans les débits de tabac une belle affiche indiquant que la vente est interdite aux moins de 16 ans, n’importe quel gosse peut se procurer des cigarettes dans le métro, aussi facilement qu'un paquet de bonbons.
Entre démagogie et laxisme
Le tabac est une drogue dangereuse. Que l’on fume ou non, nul ne peut prétendre aujourd’hui ne pas en connaître les méfaits.
Rappelons également que le tabac est mortel sous toutes ses formes.
Le cannabis qui se présente sous forme d’herbes (marijuana) ou de résine (haschich) remporte la palme du produit le plus nocif.
Les cigarettes aux herbes, vendues dans les pharmacies, libèrent du goudron et du monoxyde de carbone. (la vente en a été interdite en France en 2006)
Les méfaits du tabac étant bien établis, la polémique se situe à un autre niveau : celui de la réelle volonté du gouvernement français.
Que ce soit pour l’alcool ou le tabac, la France a toujours fait preuve d’une démagogie plus que douteuse.
Au début du XXe siècle, l’absinthe (alcool à base d’eau-de-vie) a été déclarée comme un véritable fléau en Europe, et cela à juste titre.
Alors que par exemple la Belgique prend une mesure d’interdiction en 1906, la France, elle, surtaxe le prix de la bouteille.
Comme pour le tabac, cette surtaxe n’a fait que provoquer une éphémère baisse de la consommation.
Rappelons que les statistiques officielles de la consommation proviennent de la vente dans les débits de tabac.
Or, nous savons très bien que si la vente officielle a baissé, la vente au marché noir et dans les pays frontaliers est en large hausse.
La plupart des législations antialcooliques ont échoué, car toute prohibition favorise le marché noir. Nous retrouvons le même problème avec le tabac.
Il serait temps que le gouvernement français prenne les bonnes décisions sans favoriser ses propres intérêts financiers.
Si l’on veut mettre un terme au marché noir qui s’est instauré en France, le seul moyen est de pratiquer une politique de prix similaire à celle des autres pays européens.
La seule mesure vraiment efficace est sans conteste l’application de mesures d’interdiction dans tous les lieux publics.
La liberté individuelle de chacun est ainsi préservée.
Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand a présenté son décret visant à interdire la cigarette dans les lieux publics à partir du 1er janvier 2007.
Décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif. Lire le décret
Patchs anti-tabac inefficaces
L'inefficacité des patchs anti-tabac a fait l'objet d'un rapport publié dans le Journal Of Neuroscience de février 2009.
Tous les substituts, boules à mâcher ou patchs, distillent dans l’organisme une faible dose de nicotine.
Ces produits suppriment soi-disant la dépendance vis-à-vis du tabac. Malheureusement, ce n’est pas la nicotine qui est responsable de l’accoutumance.
C’est une association de différents composés du tabac, les Imao.
Cette étude a été menée par une équipe de chercheurs du CNRS et du Collège de France.
V.Battaglia (16.05.2006). M.à.J 02.2009