L’ordre des Siréniens
Les
siréniens appartiennent à un groupe
de mammifères aquatiques comprenant 4 espèces encore vivantes
:
Lamantin
d’Amérique du Nord (Trichechus manatus) avec
deux sous-espèces : le lamantin des Antilles
(Trichechus manatus manatus) qui vit dans les
Caraïbes et le lamantin de Floride (Trichechus
manatus latirostris). C'est le plus grand lamantin. Il peut mesurer jusqu'à 4,50 m pour un poids maximum de 600 kg.
Lamantin
de l'Amazone (Trichechus inunguis) qui ne
vit que dans le bassin de l'Amazone. Il mesure jusqu'à 2,80 m.
Lamantin
d’Afrique (Trichechus senegalensis) qui
ressemble beaucoup à son cousin d’Amérique. Peu étudié, ce lamantin en partie nocturne fréquente les mers côtières et certains fleuves. Il peut atteindre 4 m de long et peser jusqu'à 500 kg. Répartition: Côtes de l'Afrique de l'Ouest et fleuve Niger.

Lamantin. © dinosoria.com
Dugong (Dugong dugon) est le sirénien le plus
répandu. C’est le seul représentant
de sa famille. C'est le plus imposant des Siréniens. Il peut mesurer jusqu'à 4 m de long et peser jusqu'à 900 kg. Répartition: De la mer Rouge aux îles du Sud-Ouest du Pacifique.

Dugong. © dinosoria.com
Le dugong possède une nageoire caudale bifurquée alors que les lamantins ont une queue en forme de pagaie.
Les 4 espèces se rencontrent dans les eaux chaudes des régions tropicales et subtropicales. Le dugong est marin. Le lamantin de l'Amazone vit en eau douce. Les lamantins d'Afrique et d'Amérique du Nord vivent en eau douce, dans les estuaires ou la mer.
Rhytine de Steller
Le
groupe comprenait une cinquième espèce,
la Rhytine de Steller (Hydrodamalis gigas), qui a été
exterminée par les marins au 18e siècle.
La
Rhytine de Steller, contrairement aux autres siréniens,
évoluait dans les eaux glaciales de l’archipel
du Commandeur, au nord du Canada.
C’est là qu’elle fut massacrée
pour servir de nourriture aux marins.
Ce
sirénien a été découvert,
pour son plus grand malheur, par les naufragés
d’une expédition d’exploration,
menée par le capitaine Vitus Béring,
qui a donné son nom à l’île
sur laquelle il s’est échoué.
Les rythines vivaient alors en troupeaux près
des côtes. Pour survivre, les marins tuèrent
quelques individus.
Malheureusement, après le sauvetage de
l’expédition, la nouvelle de l’existence
de ces animaux pourvoyeurs de tonnes de viande
et de graisse se répandit.
De 1743 à 1763, une vingtaine d'équipes
de chasse vinrent hiverner sur l’île
de Béring et l’île Mednyi.
Ils y massacrèrent plusieurs centaines
de rhytines.
En
26 ans seulement, toute leur population, soit
environ 2 000 individus, fut massacrée.
Cette
espèce était quatre fois plus grosse
que les siréniens actuels avec une taille
pouvant atteindre huit mètres et un poids
dépassant quatre tonnes. Certains individus pesaient jusqu'à 10 t. Le dernier spécimen
a été tué en 1768 sur le
littoral de l’île de Béring.
Portrait des siréniens
Tous
les Siréniens sont de grands animaux massifs
et dodus aux formes arrondies, protégés
par une épaisse couche de graisse.
Ils
sont glabres et leur tête est pourvue de
vibrisses et de poils tactiles qui leur permettent
de trouver facilement leur nourriture dans les
eaux plus ou moins troubles où ils évoluent.

Gros plan sur la
tête d'un lamantin. By
La Chiquita. (CC BY-NC-ND 3.0)
Transformés
en robustes nageoires, les membres antérieurs
possèdent une main où l'on compte
cinq doigts. Les bras sont solides et mobiles,
particularité anatomique qui permet à
ces animaux de s'aventurer dans des eaux très
peu profondes en progressant sur les bras, sans risquer
de s'échouer.
Quant
aux membres postérieurs, ils sont réduits
à quelques rudiments osseux du bassin et
ont été remplacés par une
puissante nageoire caudale horizontale (comme les Cétacés), qui, outre
leur aire de répartition, permet de différencier
immédiatement dugong et lamantins.
En
effet, elle est arrondie comme une raquette ou
une queue de castor chez les lamantins, alors
qu'elle est échancrée, avec deux
lobes nettement séparés et pointus
à leur extrémité chez le
dugong, ressemblant en cela à une queue
de baleine.

Illustration ©
Richard Tibbits
Le
cuir gris des Siréniens est épais, mais il n'est doublé
que d'une fine couche de lard assurant une faible
isolation thermique. Ceci explique que lamantins
et dugongs ne fréquentent que les eaux
les plus chaudes du globe, régions côtières
ou cours d'eau intérieurs. Leur dos présente
d'ailleurs souvent des cicatrices faites sur des
récifs de corail, mais aussi hélas,
par les pales d'hélices de bateaux de plaisance,
particulièrement nombreux dans leurs zones
d'habitat, comme en Floride.

Photo amusante
d'un lamantin en train de boire ou s'amuser ?
By Ecocentrik Guy . (CC BY-NC-ND 3.0)
Les
poils courts (entre 3 et 5 cm) recouvrant la peau
des siréniens permettent de détecter
les mouvements de l'eau provoqués par des
animaux se trouvant à proximité.
La
tête est caractéristique, avec son
museau arrondi aux grosses lèvres parsemées
de vibrisses sensorielles. Ce museau est surmonté
de deux larges narines profondes dont un clapet
règle l'ouverture et la fermeture à
volonté. Placés haut sur le front,
deux petits yeux globuleux sont eux aussi protégés
de l'eau par deux paupières presque invisibles
et une troisième, la membrane nictitante. Leur vue est faible.

Un lamantin en
train de manger. © dinosoria.com
Les
oreilles, plutôt des canaux auditifs dont
l'ouverture est à peine plus grosse qu'un
pore, sont parfaitement fonctionnelles et assurent
une ouïe très fine. Les sons sont transmis par le crâne et les maxillaires.
Le lamantin a une rangée de molaires, qui avancent constamment pour remplacer les dents usées. Le dugong ne possède que quelques molaires réduites à croissance continue. Chez le mâle, les incisives forment des défenses.
Les Siréniens émettent des petits cris pour communiquer. On ignore comment car ils sont dépourvus de cordes vocales.
L’origine des Siréniens
Les
Siréniens n'ont aucune parenté avec
les deux autres ordres de mammifères marins
(Cétacés et Pinnipèdes).
Avant de devenir des animaux aquatiques à
part entière, ils suivirent l'évolution
de leurs plus proches parents, les éléphants!
L'appellation
affectueuse d'« éléphant de
mer» n'est pas fortuite. A l'ère
Éocène, il y a 50 millions d'années,
et alors même que les deux familles de Siréniens
se distinguaient déjà, le représentant
d'une branche commune aux Siréniens et
aux Pachydermes, un ongulé de type protosirénien,
broutait paisiblement la flore des eaux basses
de l'Atlantique ouest et des Caraïbes.

Couple de lamantins. © dinosoria.com
La
période glaciaire de l'Oligocène
(il y a environ 30 millions d'années) allait
considérablement amoindrir les ressources
alimentaires de l'animal, amenant l'ordre à
se diviser en 2 sous-ordres: l'un terrestre, l'autre
aquatique.
Des
études, fondées sur l'analyse biochimique
des protéines de lamantin et d'éléphant,
corroborent l'hypothèse d'un ancêtre
commun. Des squelettes de Siréniens fossiles
trouvés en Afrique (tel Eotherium de
Fayoum) révèlent également
des similitudes avec ceux de proboscidiens et
prouvent que ces animaux sont issus d'ongulés
phytophages, tandis que les ancêtres des
cétacés et des pinnipèdes
étaient carnassiers.

Lamantins. © dinosoria.com
Plus
concrètement, lamantins et éléphants
partagent des traits anatomiques: des dents à
croissance continue, l'absence de clavicule et
des ongles à la place des griffes primitives;
la nageoire antérieure du lamantin, munie
d'ongles rudimentaires, rappelle d'ailleurs la
patte d'un pachyderme. La forme du crâne
et de la mâchoire inférieure sont
étonnamment similaires. La pigmentation
de la peau du mammifère aquatique, sa texture
et les poils qui la recouvrent font penser à
un éléphanteau.
Des sirènes dodues
Il
est surprenant que ces animaux aux formes dodues
et au chant plus guttural que mélodieux
portent le nom des voluptueuses créatures,
mi-femme mi-poisson, qui faillirent séduire
Ulysse. II n'en demeure pas moins que le grand
Christophe Colomb, tombant nez à nez avec
un groupe de lamantins au large de Haïti
en 1493, écrivit avoir rencontré
les mythiques sirènes... tout en reconnaissant
qu'elles n'avaient pas tous les charmes physiques
que les Anciens leur avaient prêtés!

Lamantin. © dinosoria.com
Un
autre explorateur, l'Italien Cavazzi, allait faire
la même erreur en 1732, car la description
qu'il fit d'une «femme-poisson» vivant
dans une rivière d'Afrique de l'Est correspondait
précisément à celle d'une
femelle dugong.
Au
XXe siècle encore, cette méprise
pouvait avoir cours car, en 1905, le capitaine
d'un cargo passant au large de l'île d'Haramiln,
dans la mer Rouge, crut avoir affaire à
des naufragés en voyant émerger
le haut du corps de trois êtres humains;
il fit des signaux et cingla dans leur direction.
La famille de dugongs dont il s'agissait déclina
le secours et s'éclipsa bien vite...
L’alimentation des siréniens
Les
Siréniens ne collectent pas de n’importe
quelle manière la végétation.
Bien sur, ils peuvent happer sans technique particulière
les herbes flottantes.
Mais, pour les herbiers marins, ce sont les racines
qui contiennent l’apport nutritif.

Dugong. By Ruth and
Dave . (CC BY-NC-ND 3.0)
Il
leur faut donc déterrer la nourriture.
Pour cela, ils utilisent leur seul outil : leur
museau.
Ce museau arrondi n’est pas pratique pour
creuser mais solide et large pour raboter le sol.
Dès
qu’une touffe est dégagée,
elle est coincée dans la bouche, vigoureusement
secouée et enfournée à l’aide
des membres antérieurs.
La
dentition des siréniens est à croissance
continue. Un lamantin peut perdre jusqu’à
30 dents au cours de sa vie.
Les molaires tombent lorsqu’elles atteignent
leur vis-à-vis.
Les Siréniens ont un estomac simple et des intestins très longs. Les végétaux sont décomposés par des micro-organismes et fermentent dans l'intestin postérieur. Pour compenser la flottaison due aux gaz de la fermentation, ils ont des os exceptionnellement denses et lourds.
Les Siréniens et l'Homme
Nature docile et chair délicieuse ont fait des Siréniens un gibier de choix. Ils sont aujourd'hui protégés, mais la chasse illégale continue. Toutes les espèces figurent sur la Liste rouge de l'UICN. Il ne reste qu'environ 130 000 Siréniens, toutes espèces confondues, dans le monde.
V.Battaglia
(24.10.2006).M.à.J 12.2007
Dugong . Lamantin
Références
Les Siréniens, collection Marshall Cavendish 1994
Dugong et Lamantins, Larousse des Animaux; p.166 et 167. Editions Larousse 2006
< Mammifères marins