Acte de cannibalisme en prison L’administration pénitentiaire doit-elle être remise en cause ? Le drame récent dans une prison de Rouen, lié à un acte de cannibalisme, remet une nouvelle fois en question la prise en charge d’individus potentiellement dangereux et souffrant de troubles psychiques. |
Rappel des faits Le détenu, accusé d’acte de cannibalisme, est un homme de 35 ans qui purgeait une peine de cinq ans de prison pour viol avec violence. La victime, âgée de 31 ans, a été retrouvée morte mercredi dans sa cellule avec une plaie au thorax. Il lui manquait une partie du poumon et des muscles intercostaux. De précédentes expertises psychiatriques avaient, selon lui, permis d'établir que l'homme souffrait de "schizophrénie" et présentait "des antécédents psychiatriques importants". Il y a un an, à sa sortie d'une incarcération, ses parents adoptifs avaient adressé un courrier à la préfecture de Seine-maritime "pour le faire interner", a-t-il souligné. Pénalisation et psychiatrie Certaines écoles contemporaines de psychiatrie ont eu leur part dans la pénalisation des malades mentaux. Pour elles, le procès permettrait de « responsabiliser » les personnes atteintes de certaines formes de pathologies mentales et constituerait un élément de la thérapie. La réorganisation des structures de prise en charge psychiatrique semble toutefois avoir joué un rôle déterminant sous l'effet conjugué, notamment de la mise à disposition de psychotropes actifs (neuroleptiques et antidépresseurs) et de la remise en cause de l'« hôpital-asile » comme lieu de soins. Il est évident que le dispositif actuel ne répond pas de manière satisfaisante à la situation particulière des personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux. Les constats de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons conservent leur actualité : « paradoxe terrible, la réforme du code pénal et la nouvelle « pratique » des psychiatres ont abouti à un résultat inattendu : de plus en plus de malades mentaux sont aujourd'hui incarcérés. Les psychiatres jouent aujourd'hui un rôle considérable dans le système judiciaire et pénitentiaire : ils peuvent établir l'irresponsabilité de l'accusé ; une fois emprisonné, ils donnent différents avis sur les placements en quartier disciplinaire et sur les hospitalisations d'office. Les cas de cannibalisme sont très rares. Une autre affaire avait également défrayé la chronique par l’atrocité des faits mais également en mettant en cause les invraisemblances du système judiciaire français. L’affaire du japonais anthropophage Cette affaire s’est déroulée entre 1981 et 1984. Cet article a été remanié. Le législateur de 1992 a introduit une double innovation avec notamment l'article 122-1 du nouveau code pénal. Le samedi 13 juin 1981, des promeneurs découvrent dans le bois de Boulogne, à Paris, deux valises abandonnées qui contiennent le corps dépecé d'une jeune femme. La police identifie rapidement la victime : Renée Hartevelt, de nationalité néerlandaise; et elle arrête deux jours plus tard le présumé coupable, Issei Sagawa, un étudiant japonais de 32 ans, résidant à Paris, et qui passe aussitôt aux aveux. Issei Sagawa Sagawa tombe amoureux de Renée Hartevelt et l’invite un soir. Comme elle refuse ses avances, il la tue d'une balle de carabine 22 long rifle dans la tête. Le criminel, maintenu en prison, attend son jugement. Il ne peut être accusé d'anthropophagie. En effet, le Code pénal français, dans un article sur les actes de barbarie, ne définit ce crime que lorsque l'ingestion de chair humaine s'est faite sur une personne encore en vie. Mais le jugement d'Issei Sagawa n'a finalement pas lieu. Les psychiatres qui examinent le meurtrier le déclarent en effet irresponsable, diagnostiquant chez lui les séquelles d'une encéphalite intervenue lorsqu'il avait l'âge de un an et qui le rendent susceptible de graves crises de folie. En 1983, il publie même un roman inspiré par ses délires et le meurtre qu'il a accompli, intitulé Lettres de Sagawa. Cet ouvrage, aussi réaliste que macabre, reçoit, au Japon, la plus haute distinction littéraire de l'année, le prix Akatugawa... Le 21 mai 1984, une décision du préfet de police de Paris autorise Issei Sagawa à quitter la France pour un établissement psychiatrique japonais. Mais, à l'hôpital psychiatrique de Tokyo, les psychiatres japonais n'ont pas sur ce cas le même point de vue que leurs homologues français. Ils ne retrouvent pas les traces d'anomalies au cerveau et ne peuvent diagnostiquer aucune véritable maladie mentale. Bilan sur les prisons en France Le rapport de commission d'enquête n° 449 (1999-2000) de MM. Jean-Jacques HYEST et Guy-Pierre CABANEL, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 29 juin 2000 fait état d’un bilan déplorable sur les conditions de détention en France. Il est important de bien souligner ces problèmes pour comprendre l’impossibilité actuelle de traiter comme on le devrait les criminels tenus pour irresponsables. Ce bilan s’est largement alourdi depuis et aucune solution n’a été apportée. Vous pouvez retrouver l’intégralité de ce rapport sur le site du Sénat En quelques chiffres, on peut appréhender la situation plus que déplorable :
V.Battaglia (07.01.2007) |