La guerre de l'opium en Chine Le conflit qui a opposé la Chine à l'Angleterre de 1839 à 1842 a été surnommé « la guerre de l’opium ». A la fin du 18e siècle, pour consolider leur hégémonie commerciale en Asie, les Anglais utilisent l’opium comme une véritable arme. |
La conquête économique anglaise Alors que l’Inde est sous contrôle britannique, les Anglais souhaitent réaliser en Chine des bénéfices identiques à celui qu’ils font en Inde. Les Anglais ont bien essayé de vendre ces produits en Chine mais les bénéfices escomptés ne sont pas aussi importants que prévus. C’est pourquoi, ils décident de s’intéresser au commerce de la drogue. Dès 1773, ils obtiennent le monopole de la vente de l’opium en Chine. Le pavot est cultivé au Bengale, au Bihâr et au Malwa, régions indiennes placées sous contrôle britannique. Le commerce de l’opium En Chine, l’opium est utilisé depuis des siècles. Vers 1620, les habitants de l’île de Formose ont commencé à le mélanger à du tabac pour l’utiliser comme drogue. Les Anglais vont donc prendre la relève. Ils fournissent cette drogue en très grandes quantités, jusqu’à 40 000 caisses de 65 kg par an dans le seul port de Canton. Canton (Guangzhou) aujourd'hui. By Travel Geographer . (CC BY-NC-ND 3.0) L’East India Company se spécialise dans ce commerce car bien sûr, il rapporte de gros bénéfices. La distribution de la drogue est effectuée par des commerçants chinois mais également des représentants corrompus de l’autorité impériale. Vers 1830, alors que le trafic est à son apogée, les Anglais veulent se passer d’intermédiaires et vendre directement la drogue, en contrebande, dans les ports du Nord de la Chine. Drogue et corruption De vastes réseaux se mettent en place dans lesquels la corruption tient une place majeure. Ces réseaux de trafiquants commencent à intervenir dans la vie économique et politique du pays. Le pouvoir impérial, déjà très faible, ne peut lutter contre cette main-mise britannique. Paradoxalement, ce sont les paysans qui tentent de lutter contre l’invasion étrangère. En 1841, les habitants d’un petit village près de Canton, tiennent tête aux soldats britanniques. Malheureusement, le pouvoir impérial ne soutient pas l’effort de cette population paysanne car s’en remettre à de simples paysans pour rétablir l’ordre équivaudrait à avouer son impuissance. De plus, le trafic de drogue permet au pouvoir impérial de maintenir un semblant de dialogue au niveau de la politique étrangère. Fumeurs d'opium (Musée de Lin Zexu). By Moody 75 . (CC BY-NC-ND 3.0) Cet empire, beaucoup trop grand et à la croissante démographique anarchique, est impossible à contrôler. Le manque de structure empêche les déplacements sur un si grand territoire. Les révoltes paysannes sont quasi-permanentes à cause de la famine, de la pression fiscale et des inégalités. Les mafias locales font régner la terreur et concentrent le pouvoir en l’absence d’un gouvernement incapable d’assumer ses responsabilités. Cette faiblesse du gouvernement impérial joue en faveur des Occidentaux qui en profitent pour imposer à la Chine des traités qui désavantagent largement la Chine. Les fumeries d’opium chinoises C’est avec l’usage du tabac, au XVIIe siècle, que l’on prend l’habitude de fumer de l’opium. Cette drogue est tirée des capsules du pavot, où réside le suc de la plante, qui contient de nombreux alcaloïdes : morphine, narcotine, codéine etc Dans les fumeries chinoises, les consommateurs sont allongés sur le côté gauche. D’une main, ils tiennent une pipe et de l’autre, ils puisent du suc d’opium dans un récipient. Pipes d'opium. By Dear Terisa . (CC BY-NC-ND 3.0) Ils retrempent régulièrement la goutte dans le pot et en la chauffant à chaque fois. Ainsi, ils obtiennent une boulette de la taille d’une noisette qui est fumée dans la pipe. Former ces boulettes représente un art et les plus exercés peuvent en consommer une centaine par jour. En 1830, on évalue à 12,5 millions le nombre de drogués en Chine. L’opium provoque le déclin de la Chine impériale Dans les années 1830, le pays se trouve pratiquement fermé aux étrangers. Un quartier du port de Canton reste néanmoins ouvert aux commerçants étrangers. Il est placé sous la surveillance de marchands chinois (système du Cohong). Les Anglais y échangent cotonnades et opium de l’Inde contre du thé et de la soie. Le port de Macao reste colonie portugaise. Pièce réservée à la consommation d'opium dans la Chine actuelle. By Squiggle . (CC BY-NC-ND 3.0) Face à cette véritable invasion de l’opium, le gouvernement interdit la vente de cette drogue. Cette dernière déséquilibre complètement la balance commerciale. De plus, cet argent n’est pas investi en Chine. Très rapidement, une crise monétaire frappe l’Empire du Milieu. Mais, comme d’habitude, ce ne sont pas les trafiquants, ni les riches propriétaires qui en pâtissent. Les plus pauvres se retrouvent encore plus démunis dans un pays où déjà une grande majorité de la population vit dans la plus grande misère. En 1839, le gouvernement de Pékin décide d’interdire l’importation d’opium. Le commissaire Lin Zexu saisit et détruit un important stock d’opium indien à Canton. Hongkong aujourd'hui. By Ariane Nguyen . (CC BY-NC-ND 3.0) La Grande-Bretagne acquière la presqu’île de Kowloon en 1860 et obtient en 1898 un bail de 99 ans sur les New Territories et sur 235 îles au large de Hongkong. Conformément à l’accord sino-britannique de 1984, le territoire a été rétrocédé à la Chine en 1997. Cette « guerre de l’opium » ouvre la Chine aux commerçants étrangers. Dans les années qui vont suivre, le gouvernement essaye de renforcer ses défenses et son armée mais le poids de la crise économique, essentiellement déclenchée par le commerce de l’opium, exacerbe les tensions sociales. Une seconde guerre de l'opium débutera en 1856 et durera 4 ans. La France et la Grande-Bretagne seront impliqués dans cette nouvelle période de conflits. Suite à cette seconde guerre, l'importation d'opium sera de nouveau légalisée en Chine. V.Battaglia (21.10.2007) Référence principale La guerre de l’opium en Chine, l’histoire du Monde N°95, éditions Larousse < Histoire |