Tandis que son père examine le sol d’une grotte qu’il est en train d’explorer, sa petite fille lève les yeux vers la voûte et y aperçoit des animaux extraordinaires.
Nous sommes en 1879, en Espagne, et la grotte a pour nom Altamira.
Depuis, le magnifique art pariétal du Paléolithique de la grotte d’Altamira n’a cessé d’être une source de fascination.
Réalisés il y a environ 12 000 ans, les bisons peints d’Altamira comptent parmi les œuvres paléolithiques les plus raffinées.
La découverte de la grotte d’Altamira
L’homme du paléolithique est-il capable de produire
de l’art ? Non, affirment les paléoanthropologues
de la fin du 19e siècle.
A cette époque, tandis que Darwin expose sa théorie
de l’évolution, les scientifiques se retranchent
derrière des positions ultra-rigides.
Chevaux de la grotte d'Altamira. © dinosoria.com
Ils ne peuvent concevoir que l’homme préhistorique,
guère plus évolué qu’un singe,
soit doté d’un sens artistique.
Ainsi, lorsqu' en 1880, Marcelino Sanz de Sautuola, paléoanthropologue
amateur, qui a découvert la grotte, publie «
Breves apuntes sobre algunos objetos prehistòricos
de la provincia de Santander », la communauté
scientifique accueille l’ouvrage comme une plaisanterie.
Sautuola vient de passer un an dans la grotte d’Altamira afin de cataloguer et de décrire les outils lithiques et les peintures rupestres.
Grotte d'Altamira © dinosoria.com
Cet homme ne vivra pas assez longtemps pour avoir la confirmation que les hommes qui ont laissé dans la grotte les objets en os sont aussi ceux qui l’ont peinte.
Peu de scientifiques admettent l’authenticité de ces peintures. Il faut attendre presque le milieu du 20e siècle et la découverte d’autres grottes richement ornées en Espagne et en France pour que soit confirmée l’existence d’un art préhistorique.
Les peintures rupestres d'Altamira
Le dernier examen des pigments au carbone 14 a indiqué
que les peintures pariétales avaient entre 18 500 et
10 000 ans.
Certaines figures simples remontent à l’aurignacien
et au solutréen et la majorité au magdalénien.
Bison d'Altamira © dinosoria.com
Les peintures d’Altamira ont été exécutées avec une extraordinaire habilité. Située au pied du mont Vispieres, à 156 mètres au-dessus du niveau de la mer, la grotte se compose d’une série de salles et de galeries qui s’étirent en S sur 270 mètres.
Le plafond et les parois de la plus grande salle, large de 18 mètres sur 9 environ, regorgent d’exceptionnelles figures zoomorphes.
Outre un cheval, un sanglier et quelques cervidés, sont également représentés 15 bisons de grande taille très réalistes.
Grotte d'Altamira © dinosoria.com
A l’aide de pigments d’ocre jaune, rougeâtre et brune, d’oxydes de zinc et poix, les hommes du magdalénien ont peint leur fourrure en dégradé.
Le corps de certains bisons est également dessiné en fonction des protubérances de la roche pour créer un effet de relief.
A côté de ces figures, on observe des figures anthropomorphes et des empreintes de mains.
Une grotte fragile
J'ai eu la chance de pouvoir visiter la grotte originale en 1988. Aujourd’hui, l’accès à la grotte est limité aux chercheurs.
Bien que préservées pendant des millénaires, les peintures sont très fragiles. La respiration des millions de visiteurs s’est avérée nocive pour les pigments.
Bison d'Altamira. © dinosoria.com
Pour le grand public, une réplique de la grotte a
été inaugurée en juillet 2001. Les peintures
ont été reproduites avec le même pigment
et selon les mêmes techniques.
La cavité artificielle imite l’original à
la perfection.
Un million de visiteurs par an visitent la grotte d’Altamira.
Ce sanctuaire soulève l’émerveillement
et le respect.
On y revit avec excitation l’isolement et la sensation
d’intemporalité, consciemment recherchés
par nos ancêtres.
V.Battaglia (19.01.2006)