Jean de La Fontaine. Livre VII
Le Coche et la Mouche
Dans un chemin montant, sablonneux,
malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil
exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était
descendu.
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s'approche
;
Prétend les animer par son bourdonnement
;
Pique l'un, pique l'autre, et pense à
tout moment
Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher
;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l'empressée ; il semble
que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout
le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer
d'affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! Une femme chantait
;
C'était bien de chansons qu'alors il
s'agissait !
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive
au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt
:
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans
la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant
les empressés,
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être
chassés.
Intégralité
Fables de Jean de La Fontaine