Tragique fin du plus grand dirigeable du monde
Le 4 octobre 1930, le R 101 qui est le plus grand
dirigeable du monde, est prêt à décoller
de Cardington en direction des Indes. A 2 h 10
du matin, l’effroyable catastrophe aérienne
se produit au dessus de la Picardie.
Cette tragédie aurait pu alourdir la longue
liste des catastrophes. Cependant, une troublante
manifestation paranormale ne va pas tarder à
apparaître. Ces messages d’agonisants
qui accusent les responsables du drame doivent-ils
être versés au dossier de la «
vie après la mort » ?
La construction du R 101
Depuis la guerre de 1914-1918, on croit à l’avenir de la navigation aérienne. L’Atlantique a déjà été plusieurs fois traversé. Il y a notamment eu l’exploit, en 1927, de Charles Lindbergh qui a réussi cet exploit en solitaire sur Spirit of Saint Louis.
Malgré tout, on ne croit pas encore à l’avion. Sur terre comme sur mer, la mode est aux trains de luxe et aux grands paquebots.
On rêve donc d’un ballon dirigeable géant et somptueux. Le zeppelin a déjà fait ses preuves et sur de longues distances.
En 1924, les Britanniques décident de mettre en chantier une véritable flotte de dirigeables. Normalement, les prototypes seront les plus grands dirigeables jamais construits, pouvant transporter une centaine de passagers, à la vitesse de 100 km/h.
Le gouvernement travailliste, soumis à des pressions, commande deux dirigeables. L’un à une société privée (Vickers), l’autre à une entreprise d’Etat.
L’équipe de Vickers s’installe dans le Yorkshire, tandis que l’équipe gouvernementale remet en état la base aérienne de Cardington.
Les deux équipes ne tardent pas à entrer en compétition. Au lieu de travailler en commun, chacune garde ses petits « secrets » de fabrication.
Au lieu de résoudre les problèmes ensemble, chaque équipe commet des erreurs et refuse de partager les solutions.
Alors que le dirigeable de Vickers s’est
montré opérationnel lors des essais,
celui de l’équipe gouvernementale
a vu son enveloppe s’ouvrir sur plus de
30 m.
C’est humiliant et même menaçant
pour le gouvernement. En effet, on a déjà
annoncé que seul le plus performant serait
retenu.
Le R 101 lors d'un essai de vol ( © Mary Evans Picture Library)
La première destination sera les Indes
et l’on imagine déjà un voyage
triomphal. D’autant plus que le ministre
de l’Air, Lord Thomson, intrigue pour devenir
vice-roi des Indes.
Il doit impérativement être à
Londres à la mi-octobre. Il est donc obligatoire
que le dirigeable prenne l’air tout début
octobre.
L’engin est pourtant loin d’être
opérationnel. Peu importe, le 4 octobre
1930, à 18 h 30, il est prêt à
partir.
Il s’arrache à grand-peine du mât
d’amarrage et une heure et demi plus tard,
il survole Londres.
A 21 h 30, il pénètre dans l’espace aérien français. Personne, à bord, ne semble avoir remarqué la basse altitude de l’appareil. Quand il arrive près de Beauvais, il n’est qu’à 90 m du sol et le drame ne va pas tarder à arriver.
Il n’y aura que 6 survivants. Lord Thomson
est mort dans l’accident ainsi que tous
les passagers.
Les 6 survivants sont des membres de l’équipage
dont le témoignage ne sera pas d’une
grande utilité. Aucun ne saura expliquer
les causes du drame.
Le dernier voyage du plus grand dirigeable du monde
Dans cette nuit du 5 octobre 1930, il pleut sur
la région de Beauvais, dans le nord de
la France. Un braconnier, qui est en train de
poser des collets, entend soudain de curieux bruits
dans le ciel.
En levant la tête, il aperçoit un
grand objet, brillamment éclairé,
qui tombe lentement. L’objet se rapproche
de lui, tandis qu’un vacarme de moteurs
lui déchire les oreilles.
Eugène Rabouille voit enfin le géant du ciel piquer du nez, tenter de se redresser et finir par percuter une colline.
En un instant, la colline s’embrase et
il est projeté au sol par l’explosion.
Quand il se relève, il entend de sinistres
hurlements à travers les flammes.
Il voit des silhouettes se débattre pour
tenter d’échapper au brasier.
Des curieux devant les poutrelles calcinées du R 101 qui était long de 240 m ( © Popperfoto)
Le dirigeable britannique R 101 avec ses 48 passagers et hommes d’équipage, vient de disparaître.
Cet accident fera perdre aux Anglais la foi dans l’avenir de ce mode de transport. Il sera également l’occasion de très curieuses manifestations paranormales.
La commission d’enquête rendra les conclusions suivantes : »La cause exacte de l’accident serait une soudaine perte de gaz dans un des sacs avant. Le R 101 n’aurait pas dû entreprendre ce voyage vers les Indes et il ne l’a fait que pour des raisons politiques. »
Mais, la commission a délibérément choisi d’ignorer un témoignage peu ordinaire. C’est le témoignage du capitaine du R 101, H. Carmichael Irwin, lui-même décédé dans l’accident.
Les morts parlent
Le lendemain de l’accident, quatre personnes
se retrouvent pour une séance de spiritisme.
L’organisateur et financeur est Harry Price,
un riche chercheur passionné de phénomènes
inexpliqués.
Il a invité le célèbre médium
Eileen Garret et un journaliste australien, Ian
Coster ainsi qu’un ami.
Une dactylographe assiste à la séance
au cas où des esprits se manifesteraient.
Harry Price a décidé d’entrer en relation avec Sir Arthur Conan Doyle, mort depuis quelques mois, et qu’il connaissait très bien.
Seulement, la médium est en proie à
une vive agitation et épelle un nom »Irving
» ou « Irwin ».
Le capitaine du R 101 commence alors à
parler par l’intermédiaire du médium
:
« La masse totale du dirigeable était bien trop importante pour la capacité des moteurs. Les moteurs étaient trop lourds. »
Un flot de vocabulaire technique sort de la bouche du médium :
« La force ascensionnelle totale a été mal calculée. Il faut en informer le jury……Et cette idée de gouvernails nouveaux est complètement folle………Gouvernail enrayé. Conduites d’huile bouchées. Ce système extravagant de carbone et d’hydrogène est totalement stupide….. »
« N’a jamais atteint l’altitude
de croisière……Essais bien trop
courts. Mauvaise injection du carburant. La pompe
à air n’a pas tenu. Mauvais temps
pour un long vol. L’eau stagne au-dessus.
On penche vers l’avant. Impossible de redresser.
Impossible de s’élever. On a failli
toucher les toits à Achy. Plus tard, quand
on fera une enquête, on s’apercevra
que la structure supérieure de l’enveloppe
n’avait pas d’élasticité.
J’ai dû m’y reprendre à
cinq fois pour partir. »
Trois semaines après l’accident, à la veille du début des travaux de la commission d’enquête, cette étrange séance connaîtra une suite.
Dialogue avec les morts
Le major Villiers connaissait plusieurs des victimes. Un soir, dans sa chambre, il a l’impression qu’Irwin, est présent et cherche à lui parler.
Le lendemain, il parle de son histoire à un ami, adepte du spiritisme, qui le met en relation avec Eileen Garett et Harry Price.
De nombreuses séances vont avoir lieu et un dialogue, selon les témoins, va s’établir avec plusieurs victimes de la catastrophe.
Villiers pose des questions au capitaine Irwin par l’intermédiaire du médium. En voici quelques extraits, pris en note par la dactylographe.
_ Racontez-moi ce qui s’est passé
samedi et dimanche.
_ Le dirigeable était trop lourd. Plusieurs
tonnes de trop. L’enveloppe et les poutrelles
n’étaient pas assez solides.
_ Commençons au début
_ Avant le départ, je me suis aperçu
qu’il y avait une fuite de gaz….Impossible
de l’arrêter avant le départ.
Les sacs à hydrogène étaient
trop poreux. Le mouvement constant de ces sacs
provoque une augmentation de la pression intérieure
des gaz, ce qui entraîne des fuites…
Je suis allé trouver l’ingénieur
en chef et j’ai compris alors que nous étions
condamnés. A cause des ennuis de gaz, nous
savions que notre seule chance était de
partir à l’heure prévue. Les
prévisions météorologiques
n’étaient pas bonnes.
Nous avons décidé de traverser la
Manche et de nous amarrer au Bourget avant l’arrivée
du mauvais temps.
Harry Price et le major Villiers décidèrent
de soumettre leurs « preuves » à
la commission d’enquête.
Bien sûr, ni elle, ni le ministère
de l’Air n’accepteront de les retenir
au dossier.
Quand le paranormal se heurte à la politique
Les « preuves » issues du paranormal étaient suffisamment détaillées pour aider la commission à mieux comprendre cette catastrophe et à établir avec certitude les responsabilités.
Mais, peut-être ne tenait-on pas justement à ce que toute la lumière soit faite.
D’une certaine manière, peut importe
comment Price et Villiers ont obtenu les détails
de la tragédie. Ce qui est important c’est
que l’on aurait pu juger les responsables.
Or, la commission n’a rendu aucune conclusion
incriminant qui que ce soit.
« Le dirigeable n’aurait pas dû
entreprendre ce vol ». C’est plutôt
vague. Les conclusions de cette commission sont
pleines de réserves et d’incertitudes.
On sait à l’époque qu’il
y a trop d’intérêts en jeu et
trop de réputations à préserver.
Les messages reçus de « l’esprit » du capitaine Irwin donnent des informations étonnantes. Mais, peut-on vraiment les considérer comme des messages venus de l’au-delà ?
Il y a-t-il eu fraude de la part d’Eileen
Garret, le médium ? Bien sûr, on
peut s’étonner qu’une femme,
surtout à l’époque, ait de
telles connaissances en aéronautique.
Il y a-t-il alors complicité avec Harry
Price ? Lui non plus n’était pas
spécialiste en mécanique aéronautique
ou en pilotage de dirigeable.
Et comment auraient-il pu connaître certains détails que seul Irwin connaissait ? Par exemple, le médium a donné une information sur l’incapacité de l’engin à atteindre sa vitesse et son altitude de croisière. « La structure était entièrement imbibée d’eau et le nez de l’appareil pointait vers le bas ».
Enquête sur l’affaire du R 101
Il y a eut une littérature abondante sur
cette tragédie et surtout les phénomènes
paranormaux s’y rattachant.
Certains ont prétendu que ces messages
pouvaient être le fruit de perceptions télépathiques.
Il faut également souligner que la transcription
des « messages » d’Irwin a été
déclarée conforme aux rapports écrits
par le capitaine.
Seulement l’ingénieur qui a fait
cette déclaration était un spirite
convaincu et non un véritable expert ce
qui rend ses conclusions plus douteuses.
Les restes calcinés du R 101 ( © Syndication International)
Au cours des années 60, deux experts, des vrais cette fois, accepteront de se pencher sur cette histoire. Il s’agit du commandant Booth, un des pilotes du R 100 (le rival heureux du R 101), et le commandant Cave-Brown-Cave, associé de près à la construction du R 101.
Les conclusions des deux hommes sont formelles : ces messages ne peuvent en aucune manière provenir d’Irwin.
Pourquoi ?
Booth fait remarquer plusieurs incohérences :
L’ »esprit » d’Irwin remet en cause le dispositif de régulation des gaz, qui lui aurait indiqué qu’il y avait des fuites. Or, il n’existait rien de tel à bord du R 101
Les dispositions d’esprit des officiers du R 101 avant le départ. Comment des navigateurs de cette valeur auraient accepté de prendre le départ en sachant que l’appareil n’était qu’une mauvaise ferraille, mettant ainsi en péril la vie de leurs passagers ?
« Irwin » parle de s’amarrer au Bourget. A l’époque, il n’existait que quatre aéroports pouvant accueillir un dirigeable de cette importance. Le Bourget n’en faisait pas partie.
Il existe de nombreuses autres incohérences.
On pourrait également faire remarquer
que ce médium s’intéressait
beaucoup aux accidents d’avion. 10 jours
avant le drame, elle avait eu la vision d’une
catastrophe imminente.
Au cours des mois qui ont précédé
le drame, la presse a abondamment commenté
tous les détails de l’opération,
en donnant de nombreuses informations techniques.
Tout cela a très bien pu s’imprimer
dans l’inconscient du médium.
On peut donc se demander si ces « messages » ne proviennent pas en réalité du subconscient d’Eileen Garret.
Le mystère de la tragédie du R 101 n’a jamais été vraiment résolu et les manifestations paranormales n’ont fait que brouiller les pistes.
Même si la participation d’un « esprit » peut laisser sceptique, une chose est certaine : il s’est bien passé quelque chose et des responsabilités n’ont pas été établies.
V.Battaglia (12.05.2006)
Références bibliographiques
Inexpliqué, p. 434 à 437 ; 454
à 457 ; 470 à 471.
Chronique du
20e siècle, éditions Chronique